Bien chers frères et sœurs chrétiens, Bien chers compatriotes,

Pâques, fête de la vie, de la lumière et de la joie

Aujourd’hui, avec tous nos frères et sœurs chrétiens, nous célébrons la fête de Pâques, c’est-à-dire la fête de la Résurrection de Jésus, après sa Passion et sa Mort. Pâques, c’est la fête de la vie, de la lumière et de la joie pour tous, pour le monde entier. A nous d’apporter aujourd’hui cette vie, cette lumière et cette joie à nos différents milieux de vie et à tout notre pays. Bien sûr nous n’arriverons pas d’un seul coup à supprimer tout ce qui est contre la lumière, la joie et la vie dans notre pays et dans le monde. C’est ici qu’il faut comprendre que Pâques, c’est aussi la fête de l’espérance.

Pâques, fête de l’espérance

Avec la résurrection de Jésus, la mort est vaincue, et nous devenons capables de lutter contre les forces de mort qui tuent l’homme, le pays et le monde. Il s’agit de la pauvreté, de la faim, de la maladie et du sous-développement. Il s’agit aussi de la violence et de la méchanceté, de la corruption et des détournements de l’argent du pays, de la paresse et du manque de conscience professionnelle, de l’égoïsme et du chacun pour soi où le plus fort écrase le plus faible ; il s’agit de la soif de l’argent qui nous fait exploiter et faire souffrir les autres et travailler en oubliant l’intérêt du pays ; il s’agit de l’ethnocentrisme et du manque d’amour pour ceux qui sont différents de nous ; etc… L’espérance du chrétien, c’est qu’avec Jésus ressuscité, il peut vaincre toutes ces forces de mort qui sont aujourd’hui sur les routes de notre pays et du monde. Le chrétien prie et il s’engage chaque jour pour cela.

Pâques, c’est aussi la fête de la paix.

C’est pourquoi, à chaque fois que Jésus ressuscité apparait à ses disciples, il leur dit : « la paix soit avec vous ». Nous croyons qu’aujourd’hui, Jésus ressuscité dit aussi à chacun d’entre nous et à tout notre pays : « la paix soit avec vous ». Ici encore, l’espérance du chrétien, c’est que le manque de paix ne disparaitra pas sans le travail de chacun et de chacune d’entre nous. Le premier travail à faire pour la paix consiste à préparer notre cœur à la paix. Dès le début du carême, nous avons été invités à convertir notre cœur. Le cœur de l’homme, nous le savons, constitue le terrain favorable pour tout projet de conversion ; car c’est au-dedans de l’homme, dans son cœur, que doit germer le minuscule grain du Règne de Dieu. C’est du cœur des personnes que germent tout le bien et tout le mal que nous voyons dans le monde : guerre, injustice, et comme nous le dit Jésus lui-même : « intentions mauvaises, inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidité, perversités, ruse, débauche, envie, injures, vanité, déraison » (mc 7,22-23). Il s’agit de faire des efforts sur soi-même, pour acquérir, comme le demandait le Pape Jean-Paul II : « la capacité d’être attentif à son frère… la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre… et de savoir donner une place à son frère, en portant les fardeaux les uns des autres (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousie ». Il s’agit concrètement de regarder les autres avec un cœur bon ; d’accueillir nos frères et nos sœurs sans distinction aucune et de travailler avec tous ; de faire confiance aux autres et de voir les bonnes choses qu’ils font au lieu de voir seulement les mauvaises. Comme le disait Dieu au travailleur de la vigne : « Pourquoi regardes-tu ton frère avec un œil mauvais, alors que je suis bon » (mt 20,15). Il s’agit de voir ce qui va bien dans le pays, et de travailler pour le rendre meilleur, au lieu de tout critiquer et de décourager ceux qui veulent faire le bien. Comme Jésus qui a su admirer la foi des gens et voir les bonnes choses qu’ils faisaient ; par exemple, la pauvre veuve venue apporter sa petite offrande au Temple

Quelques questions

Comment ne pas penser ici à la Guinée et à notre période de transition marquée par la préparation des élections présidentielles. Et se poser quelques questions : Travaillons-nous, pendant cette période, dans le calme ? La campagne électorale pourra-t-elle se faire sans rien casser, brûler ou tuer dans notre pays ? Les manifestants et les forces de l’ordre respecteront-ils les règles de la démocratie ? Pour cela, quelle éducation donner aujourd’hui aux militants ? Quelles dispositions prendre aujourd’hui pour les forces de l’ordre ? Il y a d’autres questions que nous devrions nous poser aussi : que cherchons-nous en vérité dans tout ce que nous faisons pendant cette transition ? Le bien véritable du pays ou le pouvoir pour nous-mêmes, par intérêt et pour en tirer du profit ? Dans notre programme, ou dans le programme que nous soutenons, quelle est la place qui est donnée aux paysans, aux pauvres, aux chômeurs et aux ouvriers ? Ce programme soutient-il tous les guinéens, ou seulement les fonctionnaires et les militaires ? Quelle place donne-t-il aux jeunes, non pas pour les manipuler et les acheter pour gagner des voix, mais pour préparer leur avenir ? Ce programme accorde-t-il un vrai respect aux femmes et tient-il compte de leurs besoins, ou cherche-t-il surtout à les utiliser pour les meetings, les mamayas et autres manifestations ? Et vous, les femmes et les jeunes, que faites-vous pour vous faire respecter et prendre vos responsabilités ? Est-ce que nos programmes sont un vrai engagement ou des promesses creuses pour attirer les gens ? etc…


La place des religieux et le respect de la religion

Pâques est la fête de la vie, soutenue par l’union des cœurs et l’acceptation réciproque. Je pense ici aux tensions et aux incompréhensions qui se développent en ce moment entre nos différentes ethnies et religions. Je pense surtout à ceux qui manipulent la sensibilité ethnique ou religieuse à des fins politiques. Et j’appelle de tous mes vœux la naissance à Conakry et dans les villes et les villages de l’intérieur, de l’Union Sacrée des Religieux de Guinée. La Guinée, ce n’est pas seulement Conakry. Il faudrait une telle organisation des Religieux dans toutes les villes et tous les villages de notre pays. Cette structure permettra aux Imams, aux Pasteurs et aux Prêtres de se retrouver régulièrement pour se connaître, échanger leurs réflexions et créer des liens entre eux, sans attendre que des problèmes surgissent. A ce moment-là, quand ces problèmes arriveront, les religieux seront unis pour les résoudre ensemble. Et c’est dans la mesure où il y aura l’unité entre les chefs religieux, qu’ils pourront prêcher l’unité des guinéens et qu’ils seront écoutés.

Il est aussi nécessaire que les chefs religieux restent neutres et au-dessus de la mêlée. Ils seront alors au courant de ce qui se passe vraiment. Ils pourront défendre les pauvres, les étrangers, les petits de la société, pour que chacun ait sa place et soit reconnu dans le pays. La Guinée a aujourd’hui besoin de ces personnes neutres, justes, réfléchies et indépendantes, pour aider tous les Guinéens à voir plus clair et à sortir de leurs positions partisanes, pour pouvoir construire le pays avec tous et tous ensemble. C’était le rôle que l’on avait donné au Comité ou Structure de veille, suite à la Crise de janvier et février 2007. Malheureusement, ce comité n’a pas fonctionné. Je le regrette profondément. La franche collaboration des religieux peut nous éviter de connaitre de graves crises, comme celle du 28 septembre 2009. Telle est ma ferme conviction.

C’est pourquoi je demande, aussi bien aux personnes qu’aux structures du pays, quelles qu’elles soient, de respecter cette autonomie et cette liberté des religieux, justement pour qu’ils puissent vraiment aider la Guinée. En effet, nous voyons actuellement un certain nombre de responsables du pays, mais aussi des partis politiques, qui s’approchent des religieux, simplement pour les faire agir selon leurs propres idées et non pas pour avoir la lumière de la religion. Dans mes contacts avec les prêtres notamment, j’apprends que de nombreuses personnes, viennent demander des prières dans leurs maisons ou au siège de leurs partis, pour les victimes du passé. Est-ce que ces personnes agissent par pitié et volonté de prier pour les victimes ou comme un moyen de se faire connaitre et ainsi de récupérer indirectement le soutien des religieux ? A la messe, nous prions souvent pour le Guinée. Jésus disait : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Il faut que les religieux s’engagent pour le pays, mais selon leur vocation et leur responsabilité propre. Mais pour cela, il faut qu’on respecte leur autonomie. Et que l’on arrête de manipuler les sensibilités religieuses à des fins politiques, comme cela se voit trop souvent aujourd’hui. Il nous faut servir Dieu et non pas nous servir de Dieu. Il nous faut respecter la foi en Dieu dans sa totalité, et non pas prendre dans la religion ce qui nous plait ou nous avantage, quitte à l’abandonner dès qu’on n’en a plus besoin.

Frères et sœurs, Christ est ressuscité ! Alléluia ! Il nous libère de la mort éternelle. Nous devons être ses témoins et ses messagers, en défendant la vérité partout. Sur le chemin du mensonge, beaucoup de personnes ont sacrifié le développement de leurs pays pour préserver des intérêts égoïstes de familles et de groupes. La mission du baptisé, c’est de défendre la vérité. Nous devons y penser en renouvelant nos engagements de baptême, ou en recevant le sacrement de baptême, tout à l’heure.

Répands, Seigneur, ta grâce dans nos cœurs. Fais grandir ton Eglise, et attire à toi tous les hommes pour qu’ils vivent de ta vie. Nous te le demandons, par Jésus ressuscité, qui vit et règne avec toi, dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen !